Selon l'article 3 de cette loi, les établissements de crédit
doivent déclarer au service dit " Tracfin " (Traitement
du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins).
" les sommes inscrites dans leurs livres lorsque celles-ci
leur paraissent provenir du trafic de stupéfiants ou de l'activité
d'organisations criminelles "
ainsi que :
" les opérations qui portent sur ces sommes lorsque
celles-ci paraissent provenir du trafic de stupéfiants ou
de l'activité d'organisations criminelles ".
Ce texte doit être bien compris : si les sommes et les opérations
doivent provenir d'une infraction liée au trafic de stupéfiants,
il ne s'agit pas de dénoncer l'infraction mais de déclarer
des sommes et des opérations suspectes. Bien que le texte
ne le précise pas, il s'agit essentiellement d'opérations
qui comportent un transfert de fonds. La difficulté est cependant
de détecter le lien que ces opérations entretiennent
avec la drogue. On doit dès lors admettre que de simples
soupçons, qui peuvent notamment naître d'un transfert
de fonds d'une importance inhabituelle, c'est-à-dire sans
rapport avec l'activité et le patrimoine du titulaire du
compte, suffiront à entraîner la déclaration.
Cette dernière doit intervenir dès le moment où
les soupçons naissent. Elle peut donc concerner aussi bien
des opérations en cours d'exécution que des opérations
déjà exécutées.
On estime néanmoins que la déclaration a priori est
le principe, la déclaration a posteriori étant l'exception.
En tout cas, la déclaration ne décharge pas l'établissement
de crédit de toute obligation. En effet, si postérieurement
à celle-ci, des informations permettent à celui-ci
de modifier son appréciation, il doit porter ces informations
à la connaissance du service " Tracfin " (Art.
4 de la loi du 12 juillet 1990). Ce dernier, qui dépend du
ministère de l'Économie et des Finances (Art. 54 de
la loi préc.), est le seul destinataire de la déclaration
à l'exclusion du propriétaire des sommes ou de l'auteur
de l'opération suspecte. Si les dirigeants ou les préposés
de l'organisme financier portent sciemment à la connaissance
de ceux-ci l'existence de la déclaration, ils encourent les
sanctions pénales prévues par l'article 10 de la loi
de 1990.
Ainsi informé, le service " Tracfin "
accuse réception de la déclaration (Art. 6 de la loi
du 12 juillet 1990.), sauf exception (l'article 6 bis de la loi
précédente précise que " La déclaration
peut être verbale ou écrite. L'organisme peut demander
que le service institué à l'article 5 n'accuse pas
réception de la déclaration. Dans le cas où
ce service saisit le procureur de la République, la déclaration,
dont ce dernier est avisé ne figure pas au dossier de la
procédure ".).
Il recueille et rassemble tous les renseignements propres à
établir l'origine des sommes ou la nature des opérations
faisant l'objet de la déclaration. Dès que les informations
recueillies mettent en évidence des faits qui sont susceptibles
de relever du trafic de stupéfiants ou de l'activité
d'organisations criminelles, le service " Tracfin " saisit
le parquet aux fins d'éventuelles poursuites.
L'examen de ces opérations suspectes pouvant être
long, l'article 6 de la loi de 1990 a mis en place un système
qui permet de neutraliser l'opération en cours de réalisation
au moment de la déclaration. Deux hypothèses doivent
être envisagées, selon que l'accusé de réception
adressé par le service " Tracfin " à l'auteur
de la déclaration est ou non assorti d'une opposition.
- Si l'accusé de réception n'est pas assorti d'une
opposition, l'opération peut être exécutée.
- En revanche, dans l'hypothèse inverse, l'opposition
oblige à un report de l'exécution de l'opération
pour une durée qui ne peut excéder douze heures.
Ce délai peut être prorogé à la demande
du service " Tracfin " ou du procureur de la République
par le président du Tribunal de grande instance de Paris
qui peut soit accorder cette prorogation soit ordonner le séquestre
provisoire des fonds, comptes ou titres concernés par la
déclaration. Si au terme de la durée du délai
d'opposition, aucune décision du président du Tribunal
de grande instance de Paris, ou le cas échéant,
du juge d'instruction, n'est parvenue à l'organisme financier,
l'auteur de la déclaration peut exécuter l'opération.
En raison des conséquences de la déclaration que
l'établissement de crédit doit effectuer sous peines
d'encourir des sanctions disciplinaires (Art. 7 de la loi préc.),
il a fallu protéger l'auteur de la déclaration.
Tel est l'objet des dispositions de l'article 8 de la loi. Ce texte
écarte toute poursuite pour violation du secret professionnel
à l'encontre des dirigeants et des préposés
de l'organisme financier qui, de bonne foi, ont effectué
une déclaration, et déclare que :
"aucune action en responsabilité civile ne peut
être intentée ni aucune sanction professionnelle prononcée
contre un organisme financier, ses dirigeants ou ses préposés
qui ont fait de bonne foi la déclaration mentionnée
à l'article 3 ".
Le texte ajoute que :
" les dispositions du présent article s'appliquent
même si la preuve du caractère délictueux des
faits à l'origine de la déclaration n'est pas rapportée
ou si ces faits ont fait l'objet d'une décision de non-lieu,
de relaxe ou d'acquittement ".
Par ailleurs l'article 9 prévoit que lorsque l'opération
a été exécutée conformément aux
dispositions de son article 6, et sauf concertation frauduleuse
avec le propriétaire des sommes ou l'auteur de l'opération,
l'organisme financier est dégagé de toute responsabilité
et qu'aucune poursuite pénale ne peut être engagée
de ce fait contre ses dirigeants ou préposés sur le
fondement des textes sanctionnant notamment le recel.
En conclusion, cette obligation de déclaration constitue
une exception au secret bancaire. Elle fait peser sur les établissements
de crédit une charge lourde dans la mesure où ils
ont dû prendre des dispositions conformément au règlement
n° 91-07 du 15 février 1991 afin de se doter d'une organisation
et de procédures internes propres à assurer le respect
des prescriptions de la loi de 1990. Cette dernière n'est
pas, en outre, sans conséquence sur la liberté contractuelle
des établissements de crédit. Certes, ces derniers
sont toujours en principe libres de contracter ou non avec leur
clientèle. Toutefois la déclaration viendra éventuellement
paralyser celle-ci. C'est d'ailleurs le souhait des établissements
de crédit qui ne désirent pas participer au blanchiment
des capitaux de la drogue.
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