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Cet article est tiré de la revue "Santé Magazine", numéro 340 d'avril 2004.
Il est écrit par Thierry Roussillon et est suivi d'une interview du Docteur Léon Hovnanian, Président du Comité National d'Information sur la Drogue (CNID).
Dans un monde souvent complaisant à l'égard du "joint", notre enquête pour démêler le vrai du faux. Pour protéger les jeunes et pour aider les parents.

Les jeunes Français n'ont jamais consommé autant de cannabis. En 1999, 59 % des garçons et 43 % des filles de 18 ans déclaraient avoir déjà fumé du cannabis. Aujourd'hui, les jeunes Français sont ceux qui en consomment le plus en Europe.
Cela signifie que cette drogue fait partie de la vie quotidienne des adolescents et des jeunes adultes, et que sa consommation est devenue préoccupante chez les jeunes. Lesquels commencent à fumer de plus en plus tôt. Initiés entre 11 et 14 ans, ils sont 80 % à avoir essayé un joint à 15/18 ans !

Cette banalisation du cannabis chez les jeunes s'accompagne d'un discours complaisant à l'égard des drogues en général, et du cannabis en particulier.
Nombreux sont les hommes politiques, les artistes ou les personnalités médiatiques qui reconnaissent consommer - ou avoir consommé - du "shit". Un certain nombre de chansons, écoutées par les jeunes, font d'ailleurs référence au "pétard". Les feuilletons populaires abordent le sujet, la plupart du temps selon un mode humoristique.
Le fumeur de joint est toujours présenté comme un type cool, un peu décalé, adepte d'un mode de vie alternatif et sans contrainte. Comme si un "cône" était l'équivalent moderne d'une cigarette ou d'un verre de vin !
Car c'est bien le message que les partisans de la dépénalisation du cannabis ont réussi à faire passer dans l'opinion. Selon eux, les effets du cannabis seraient moins nocifs que ceux du tabac ou de l'alcool (qui sont d'ailleurs interdits aux moins de 16 ans).

Apathie, troubles de la mémoire, démotivation …..

Pourtant, il suffit d'avoir consommé du cannabis une fois dans sa vie pour savoir que ses effets n'ont rien à voir avec ceux d'une cigarette. Le tabac n'altère pas la concentration et l'abus de cigarettes n'empêche pas de conduire. Un lycéen qui fume une "clope" avant d'aller en classe pourra suivre son cours sans problème. C'est moins évident pour le cannabis, dont l'usage régulier provoque apathie, démotivation, et affecte la mémoire et les capacités d'assimilation intellectuelle.

Certes, un tabagisme régulier peut, à plus ou moins long terme, provoquer des cancers. Mais le cannabis aussi est cancérigène.
Comme le rappelle Damien Meerman, directeur d'un site Internet d'information sur les drogues (www. drogue-danger-debat.org) « un joint contient quatre à cinq fois plus de goudron et de produits toxiques qu'une cigarette. Un seul joint équivaut donc à quatre ou cinq cigarettes avec filtre. De plus, son mode de consommation (inhalation profonde et prolongée) peut induire des lésions plus périphériques et plus importantes. » C'est ainsi que « l'usage quotidien du "joint" (cinq à dix par jour) peut déclencher, en un an, des sinusites et bronchites chroniques qu'un fumeur qui consomme vingt à quarante cigarettes par jour connaîtra en cinq à dix ans. Sa toxicité pulmonaire est donc très supérieure à celle du tabac, et les risques d'infarctus du myocarde sont considérablement accrus. »

Avec des effets comparables à ceux de l'alcool (temps de réaction allongé, capacité amoindrie de contrôle de trajectoire, mauvaise appréciation du temps et de l'espace, réponses perturbées en situation d'urgence), le cannabis est impliqué dans de nombreux accidents de la circulation.
Les conclusions d'une récente étude du Dr Patrick Mura, toxicologue, ont permis de montrer que « chez les moins de 27 ans, la fréquence des accidents était multipliée par 2,5 avec le cannabis seul, cette fréquence augmentant à 4,8 avec l'alcool associé au cannabis. » En outre, l'alcool s'élimine pour moitié en six heures alors que la demi-vie du cannabis dans l'organisme est de quatre à six jours. Et, surtout, un joint est toujours fumé pour l'ivresse qu'il procure, contrairement à un verre de vin, par exemple, dont on pourra apprécier le goût, sans chercher à s'enivrer.

Être « accro », c’est s’isoler du monde et des autres

Le cannabis d'aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec le "joint" que l'on fumait dans les années soixante-dix. « La teneur en delta 9 THC principe psychoactif du cannabis, est désormais de 20 à 30 %, au lieu de 2 à 4 % hier : En une génération, elle a été multipliée par cinq ou six », explique le Dr Léon Hovnanian, président du Comité national d'information sur la drogue (lire l'interview ci-après).

Or, cette molécule toxique se fixe dans le cerveau et peut, selon une expertise de l'Inserm, provoquer "des troubles du langage et de la coordination (...], des attaques de panique et des angoisses de dépersonnalisation".

En outre, il existe "un trouble psychotique propre à la consommation de cannabis : la psychose cannabique. Elle se manifeste par des signes proches de ceux des bouffées délirantes aiguës, avec une plus grande fréquence des hallucinations, en particulier visuelles."

Bien sûr, tous les fumeurs de cannabis n'ont pas les mêmes réactions. Mais si certains arrivent à gérer leur consommation, d'autres deviennent "accros" au point que la drogue représente un handicap dans la poursuite de leurs études et dans leurs relations amicales ou familiales.
Ainsi, chaque année, 45 000 nouveaux jeunes deviennent dépendants. Une dépendance qui conduit à une spirale de l'échec (scolaire ou professionnel), et peut mener jusqu'à une exclusion sociale.

Face à tous ces problèmes, deux points de vue s'opposent. Certains réclament plus de sévérité, notamment vis-à-vis des trafiquants. D'autres estiment que l'on ne peut lutter contre la drogue, et qu'il faut gérer "les risques" et faire avec elle, plutôt que de lutter contre elle. Ce qui revient à dire "défoncez-vous si vous voulez, mais utilisez de bons produits !"

C'est ainsi que l'on voit certains médecins distribuer des cachets d'ecstasy préalablement testés par leurs soins, dans certaines raves parties. Leur présence sur place permet d'assurer les premiers soins, en cas de problème, et de dialoguer avec les jeunes usagers, mais le fait qu'ils acceptent de tester les drogues et délivrent verbalement un permis de se droguer est une façon d'adresser aux participants un message plus qu'ambigu.
Comment être ensuite réceptif aux avertissements concernant le danger des drogues quand on vient d'avaler un cachet d'ecstasy avec l'accord d'un médecin ?

Légaliser ferait augmenter la consommation

Quelques-uns réclament la dépénalisation de la drogue, voire sa légalisation. Arguant ainsi que l'on pourrait alors contrôler la nocivité des produits vendus, tout en soignant mieux les personnes dépendantes. Ils expliquent qu'une distribution contrôlée du cannabis permettrait aussi de mettre fin aux trafics et aux violences.

Autre argument : légalisée, la drogue n'aurait plus ce goût de l'interdit, qui séduit les jeunes adolescents, attirés par la transgression. Mais en est-on si sûr ? La consommation de cannabis est tellement banalisée aujourd'hui que la "fumette" n'est plus vraiment considérée comme transgressive.
L'expérience montre que la dépénalisation ou la légalisation ferait, au contraire, augmenter la consommation. Et que la rationalisation attendue des comportements (du fait même de la disparition de l'interdit) n'aurait pas lieu.

Qui profiterait d’une dépénalisation ? Les trafiquants

Le trafic lui-même ne disparaîtrait pas. Notamment parce que certaines classes d'âge seraient interdites de consommation. Et puis les trafiquants chercheraient évidemment à se reconvertir, proposant des produits cannabiques plus forts ou passant des drogues dites "douces" aux drogues dures, qui feraient ainsi leur apparition aux portes des lycées.

En outre, une libéralisation du cannabis provoquerait de fait la validation du trafic international, car il faudrait bien acheter - et à qui, sinon aux trafiquants ? - le cannabis que l'on aurait le droit de vendre. Évidemment, d'autres produits nocifs sont actuellement librement vendus en France, comme c'est le cas pour le tabac.

Cependant, et comme le rappelle Jean-François Mattei, le ministre de la Santé, "tout le monde sait [...] que si le tabac était une substance sollicitant aujourd'hui son autorisation de mise sur le marché, sachant ce que nous savons sur ses effets délétères sur la santé, l'autorisation lui serait refusée".
Alors, pourquoi recommencer avec le cannabis l'erreur commise autrefois avec le tabac, et qui coûte si cher aujourd'hui en terme de santé publique ?

CANNABIS 10 questions essentielles , interview du docteur Léon Hovnanian

Le président du Comité national d'information sur la drogue répond aux questions que l’on se pose sur le cannabis :

1 Certains prétendent que le cannabis est une drogue douce et sans danger.

Dr Léon Hovnanian : C'est une drogue ou ce n’est pas une drogue. Le terme "drogue douce" est un terme de marketing inventé pour banaliser l’usage du cannabis, "produit d'accroche" aux stupéfiants pour les jeunes.
Le cannabis a les deux caractéristiques d'une drogue :

  • il crée une dépendance physiologique, c'est-à-dire l'esclavage au produit.
  • il perturbe le fonctionnement du cerveau avec une altération du raisonnement, de la mémoire et de la volonté, avec des troubles du comportement et la déstructuration de la personnalité.

2 Pourtant, le haschisch n'a jamais tué personne...

Vous oubliez les jeunes qui, chaque semaine, se tuent ou tuent au volant de leur voiture ou de leur moto. Or, le cannabis seul est cause de 14 % des accidents mortels, de 27 % chez les 16 à 35 ans ( Laboratoire Toxlab, statistiques 2003 sur 4 073 accidents).
Et ceux qui meurent d'overdose par héroïne, Subutex... ou de maladies intercurrentes, comme le sida et l'hépatite... car l'escalade vers les autres drogues est une réalité clinique et scientifique.
La "mort sociale" est, elle, encore plus grave : elle exclut, chaque année, 45 000 jeunes, garçons et filles de 15 à 18 ans.

3 Que penser des vertus thérapeutiques du cannabis ?

Quel rapport entre les effets thérapeutiques du cannabis sur un symptôme secondaire de quelques maladies (sida, cancer, sclérose en plaques...) et l'usage toléré du cannabis par les jeunes, au préalable en bonne santé ?
Une étude américaine de 1995 a montré que, même dans ces maladies, les effets positifs du cannabis étaient inférieurs à six autres familles de médicaments déjà sur le marché. Lesquels n'avaient pas les effets secondaires nocifs du cannabis sur le cerveau.

4 Libéraliser le cannabis ne permettrait-il pas d'en réduire la consommation ?

Les Suédois, dès 1970, sur les conseils de leurs psychosociologues, ont cru en la véracité de ce cliché et ont décidé la vente libre du cannabis avec l'assurance qu'ils en contrôleraient ainsi l'usage. Et que, de surcroît, cela réduirait les violences inhérentes au trafic.
Résultat : en 1980, le gouvernement suédois a été confronté à une explosion de la toxicomanie chez les jeunes : 14,7 % de nouveaux "accros" par an et augmentation parallèle de 1a violence. L'usage de la drogue abaisse le seuil de conscience, lève les inhibitions et ouvre la voie à la violence.
Suite à cela, la Suède a adopté la loi la plus répressive d'Europe et 1a mise en oeuvre d'une prévention systématique qui, en quinze ans, a ramené le nombre de cas nouveaux à 3,7 %, soit une diminution significative de 50 %.
Pour mémoire, en 1980, la France était au rythme de 2 % l'an et aujourd'hui de 6 % d'esclaves de la drogue, en plus, chaque année.

5 Pourquoi interdire le cannabis quand la drogue est présente partout dans le monde ?

Il est vrai que, de tout temps, l'homme a eu recours à des produits psychotropes (vins et plantes) pour tricher et essayer d'avoir force, talent et bonheur, sans effort, mais sans y réussir. Mais faut-il baisser les bras, d'autant plus qu'il s'agit aujourd'hui de l'intoxication en masse d'enfants de 11 à 14 ans ? N'est-ce pas le rôle d'adultes responsables d'apprendre aux jeunes que c'est seulement en faisant des efforts qu'ils se construiront un avenir heureux ?
Les jeunes doivent savoir que les drogues n'apportent pas le bonheur, mais le malheur : il n'y a pas de drogués heureux. Les drogues ne donnent pas le talent, mais la déchéance. Elles ne rendent pas libres, mais esclaves.

6 Un fumeur de cannabis est-il forcément un drogué ?

Il n'y a pas d'égalité physiologique devant les produits quels qu'ils soient. Mais il faut savoir que, sur quatre jeunes usagers réguliers de cannabis, un pourra continuer à le faire, sans grand dégât pour sa santé et son avenir; un autre deviendra "accro", exclu de la société. Quant aux deux autres, dont l'évolution sera moins rapide, ils s'arrêteront, en constatant les dégâts chez celui qui est devenu dépendant avant eux.

7 "Tuerait-on" le trafic en légalisant le cannabis ?

La fin de la prohibition de l'alcool aux Etats-Unis, en 1932, a-t-elle supprimé l'alcoolisme et mis fin au développement de la mafia ? Celle-ci se taille une place de plus en plus forte dans le monde : prostitution, drogue, racket en tous genres, avec utilisation de la violence, contrebande du tabac et, depuis plusieurs décennies, invasion de l'économie par l'argent sale des trafics en tous genres.
Si demain on légalise la vente du cannabis, on supprimera dans un premier temps le trafic. Mais ensuite, on pourra constater une augmentation de la consommation du cannabis et une augmentation des troubles de la santé.

8 Quel discours peuvent tenir les parents à leurs enfants ?

Que leur santé est leur bien le plus précieux, et qu'elle est en danger. Ce discours est, bien sûr, à adapter en fonction de leur âge et des acquis récents en ce domaine.
Il faut aussi apprendre aux enfants à dire non aux influences de toutes sortes et ce, dès le plus jeune âge. Il faut également réfuter avec force tous les arguments de banalisation.

9 Et si un jeune ne veut pas arrêter de se droguer ?

S'il prétend qu'il n'est pas dépendant et qu'il peut s'arrêter quand il veut, il faut lui répondre qu'il le démontre en s'arrêtant tout de suite pour un mois. S'il rétorque que, pour le moment, il n'en voit pas l’utilité, il faut essayer de lui faire prendre conscience qu'en fait, il ne le peut pas, car il est déjà esclave et se ment à lui-même.
Il faut surtout savoir que c'est rarement dans un seul dialogue que l'on obtient qu'il s'arrête. Il faut se garder d'élever la voix et toujours bien lui montrer que c'est par amour pour lui que l'on essaie de le guérir. La toxicomanie n'est pas une maladie honteuse, mais une maladie grave dont il est normal qu'un père ou une mère essaie de guérir son enfant, même si celui-ci est administrativement majeur.
II faut être patient, décidé. Le discours doit s'adapter au caractère différent de chaque jeune. Donc il faut d'abord s'informer, ensuite étudier son enfant et le comprendre, non pour accepter son comportement, mais pour l'aider à s'en sortir, avec amour, mais aussi un peu de contrainte, si vous trouvez un moyen de contrainte qui a prise sur lui. Il s'agit d'assistance à un enfant en danger.
Enfin, aimer son enfant, c'est aussi savoir dire non ! Ce n'est pas facile Mais avec du temps, et si le père, la mère et les frères et soeurs font cause commune pour aider celui qui est en difficulté, cela augmente les chances de l'en sortir, notamment en l'isolant de son milieu contaminant et des dealers.

10 Peut-on demander l'aide d'un spécialiste ?

Oui, à la condition qu'il ne vous dise pas que "ce n'est pas grave et qu'un peu de cannabis n'a jamais fait de mal à personne" ou "que le produit n'est pas en cause, mais la maladie, sa famille ou la société".
Dans de rares cas, la psychiatrie est utile mais, dans la majorité des cas, inutile. Dans l'état actuel de nos connaissances en pharmacologie, il n'y a aucun médicament actif et seul le sevrage guérit.

 
 
 
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