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circuits juridiques et sanitaires liés à la toxicomanie
Les circuits juridiques et sanitaires : la loi de 1970 et ses effets

Où commence et où s'achève la liberté individuelle ? Lorsque une personne tente de se suicider et échoue, on ne la met pas en prison. Aucun texte de loi dans un pays démocratique ne situe le suicidant dans le champ de la criminalité.

Pourtant, lorsqu'un toxicomane fait une tentative de suicide plus ou moins déguisée avec une overdose à l'héroïne, il est considéré certes comme un individu en danger qu'il faut soigner, mais aussi comme un délinquant. La distinction vient du fait que dans le premier cas la personne porte atteinte à ses jours, mais ne transgresse aucune loi sociale, alors que dans le second cas la personne n'est pas jugée sur sa conduite mortifère mais sur le fait qu'elle a utilisé des stupéfiants, ce qui est interdit par la loi.

Le fait de regarder le phénomène drogue sous cet angle nous conduit à parler de la polémique qui, régulièrement alimente le débat politique concernant la répression de la toxicomanie.

Faut-il soigner ou punir les drogués ?

Quels seront les effets d'une nouvelle politique sur nos pratiques quotidiennes ? Pourrons-nous encore parler de " réinsertion sociale des toxicomanes " ? En tant que travailleurs sociaux, nous devons avoir en tête l'effet des lois sur les trajectoires de nos clients. La loi de 1970, toujours en vigueur, propose des mesures spécifiques qui tiennent compte de plusieurs paramètres : le produit utilisé est-il ou non interdit par le code de la Santé, par la loi ? Le drogué est-il un usager primaire, occasionnel, récidiviste .? Le drogué a-t-il commis d'autres délits de droit commun qui n'ont rien à voir avec sa toxicomanie ?

La loi a, sans nul doute, une fonction que nous ne devons pas minimiser dans l'histoire des jeunes usagers de drogue que nous suivons. Elle sert parfois d'ultime limite à la folie et réintroduit les repères minima permettant la vie en société. Cependant, la prison comme solution thérapeutique est une proposition à laquelle aucun adulte sensé ne peut adhérer. Il s'agit de nos enfants, de l'avenir, de la survie d'une société qui se dit démocratique et civilisée et qui ne parvient pas à imaginer d'autres mesures que celles qui ont déjà échoué en d'autres temps ...

Les principes généraux de la loi du 30 septembre 1970

La loi actuellement en vigueur a été édictée le 30 décembre 1970. Elle définit trois principes applicables aux usagers :

  • Elle réprime l'usage des stupéfiants, répression justifiée par le gouvernement dans les motifs de la loi. L'interdiction porte sur tous les stupéfiants, le degré de nocivité n'étant pas pris en compte
  • Elle accorde la priorité à une action médico-sociale spécifique.
  • Elle se montre, dans ce domaine, extrêmement novatrice. En effet, elle a apporté une certaine innovation dans le droit français, à savoir que le législateur ne cherche pas systématiquement à punir, mais essaie également d'avoir recours à des solutions plus libérales pour chercher à guérir les intoxiqués et leur permettre de reprendre une vie normale sans encourir automatiquement de condamnation.

Cette législation a tendance à considérer le " drogué " plutôt comme un malade que comme un délinquant. Dans le bulletin hebdomadaire publié par le secrétariat général du Comité interministériel pour l'information (Actualités Service, n° 121, avril 1971) :

" Ce texte constitue un droit nouveau d'une extrême originalité, tant dans sa conception que dans les mesures qu'il édicte. La loi nouvelle réalise un équilibre entre l'indispensable répression et la nécessité de recourir à des solutions humaines. "

Cette loi vise à développer les mesures de protection médico-sociale en matière de toxicomanie chaque fois qu'un toxicomane est signalé par l'autorité judiciaire ou l'autorité sanitaire. Le procureur est saisi du signalement par la police ou la gendarmerie. Lorsqu'un toxicomane possède sur lui une dose d'héroïne ou autre drogue correspondant à sa consommation personnelle, il est considéré comme usager. Si cette dose, est supérieure à une dose de consommation (1 à 2g), le toxicomane ou l'usager de drogue est considéré comme trafiquant.

Le procureur de la République est alors habilité à décider seul de la trajectoire qui va suivre :

  • l'injonction thérapeutique;
  • l'inculpation.

Le premier circuit considère le drogué comme un malade qui doit se soigner, le second considère le drogué comme un délinquant. La loi du 30 décembre 1970 comprend donc trois types de mesures :

  • des mesures d'ordre répressif;
  • des mesures d'ordre thérapeutique;
  • une mesure répressive et thérapeutique : l'injonction thérapeutique.

Par cette dernière mesure, la loi délègue à la médecine un rôle répressif : l'injonction thérapeutique équivaut à une obligation de se soigner. Un risque de collusion entre le pouvoir médical et la justice a été dénoncé par certains intervenant en toxicomanie :

" L'obligation de soigner, érigée en texte de loi avec assortiment de peine d'emprisonnement ou d'amendes (ou les deux), ne semble pas avoir été refusée dans son application par le corps médical. La collaboration entre deux personnes aux fonctions différentes que le magistrat et le médecin (l'un punit, l'autre soigne), collaboration souhaitée par le pouvoir, ne fait que produire une confusion lorsque l'un des deux spécialistes empiète dans le champ de l'autre. "

(Didier Touzeau, Toxicomanies et institutions, Mémoire de psychiatrie, 1983).

La loi de 1970 a transformé le statut social du toxicomane qui a désormais le choix entre être un délinquant ou un malade. Cependant, elle encourage les toxicomanes à rechercher les moyens de combattre volontairement et anonymement leur toxicomanie, et elle aggrave considérablement les peines à l'encontre des trafiquants et de leurs complices. L'innovation d'un tel texte réside surtout dans la reconnaissance d'un résultat thérapeutique conditionné par la démarche volontaire de l'intéressé qui peut venir consulter lorsqu'il le veut, et cela anonymement.

Comme nous avons pu le constater, l'application de ce texte repose sur la compréhension personnelle du juge qui seul peut décider si l'intoxiqué arrêté doit ou non être emprisonné. Nous n'ignorons pas que le problème est assez complexe, car de nombreux intoxiqués sont eux-mêmes pourvoyeurs et un peu revendeurs; comment arriver objectivement à faire la part des choses ?

Les soins ont été privilégiés par la loi de 1970, c'est sans doute pour cela qu'elle fut adoptée à l'unanimité par le Parlement. D'autant qu'elle prévoyait une répression accrue contre les trafiquants. Elle laissait au parquet la charge de déterminer si le toxicomane était usager ou trafiquant. L'existence d'usagers revendeurs compliqua singulièrement l'application de la loi. Les magistrats ont à juger des toxicomanes, désignés comme tels par les policiers, quelquefois sans possibilité d'instruction (procédure de flagrants délits). Une réponse a été élaborée avec des magistrats spécialisés dans les affaires de drogue. Nombre d'entre eux, même s'ils reconnaissent l'inutilité de l'incarcération, prononcent des peines de prison faute d'équipes spécialisées dans leur région.

Enfin, sur le plan financier, le texte définit des conditions tout à fait exceptionnelles : la gratuité de soins et l'anonymat. Les dépenses d'investissement (création ou aménagement des établissements ou services spécialisés) sont pris en charge par le budget d'investissement du ministère de la Santé, donc intégralement à la charge de l'État (et non du département). Quant aux frais d'hospitalisation et de cure prescrite après un début de procédure judiciaire, ils sont pris en charge par le budget départemental de l'Aide sociale dans un premier stade, mais remboursés intégralement par le budget du ministère de la Santé. De même, les frais consécutifs au traitement des malades (anonymes ou non) sont avancés par le budget départemental qui, en fin d'année, fait l'objet d'un remboursement par l'État (83% en moyenne).

Les trajectoires institutionnelles

La trajectoire judiciaire

Le toxicomane peut être remis à la justice par la police, la gendarmerie, la douane. La représentation distingue l'usager, qui bénéficie de l'injonction thérapeutique, du trafiquant pour qui la procédure pénale se poursuit; une astreinte thérapeutique peut cependant être proposée dans un centre de cure agréé. Depuis 1970, les statistiques montrent une augmentation des procédures suivies et des condamnations prononcées. Les magistrats ont largement utilisé les possibilités de cure jusqu'en 1978. Une circulaire (17 mai 1978) met en oeuvre une procédure allégée pour les simples usagers, utilisant uniquement du haschisch.

La trajectoire médicale ou sanitaire

La loi de 1970 réprime le " passage à l'acte de se droguer " et bien sûr le trafic, en s'appuyant sur " l'effet dissuasif " de l'injonction thérapeutique ou la peine de prison, pour ceux qui sont interpellés avec une dose importante de drogue sur eux, et se livrent au trafic (deal) mais elle favorise la dimension du soin (cure, post-cure) dans des lieux intermédiaires spécialisés.

La loi autorise les toxicomanes à venir consulter d'eux-mêmes, donc librement, les centres de soins. Ces soins sont gratuits, l'anonymat respecté.

  • La demande volontaire ou induite

    Les patients peuvent être adressés par des tiers (la famille, l'assistante sociale du lycée, un ami dans les centres spécialisés) aux différents centres. Ils ont le droit de se faire aider et soigner dans les hôpitaux généraux, les lieux de soin insérés dans le secteur psychiatrique, une clinique privée. Certains viennent d'eux-mêmes parce qu'ils n'en peuvent plus et sont " accrochés " (ils prennent un gramme d'héroïne par jour, parfois plus). D'autres encore arrivent sous la pression du parquet (signalement) répercuté par la DDASS. La demande (nous reviendrons sur ce point) est variable. Elle peut être induite par la situation, un concours de circonstance, une nécessité, une urgence, une prise de conscience du patient.

  • Les soins

    Dans ce dispositif institutionnel, le toxicomane trouve les possibilités de cure de l'appareil sanitaire, ce qu'il est convenu d'appeler la pré-cure auprès de différents centres d'accueil et enfin la possibilité de postcure auprès de multiples institutions.

L'injonction thérapeutique

A la réflexion, nous prenons conscience que l'articulation entre la trajectoire judiciaire et médicale est opérée par l'injonction thérapeutique. Il appartient au parquet ou juge (tribunal) d'enjoindre les délinquants drogués à se soigner.

C'est au praticien que revient la possibilité d'offrir un lieu de " cure de désintoxication ".

Lorsque le juge décide une injonction thérapeutique, le patient doit se présenter devant un médecin de son choix, ou devant un médecin qui est officiellement chargé du contrôle thérapeutique. " Le médecin de l'autorité de tutelle (de la Direction des Affaires sanitaires et sociales) " .

Dans le premier cas le médecin est tenu (malgré le secret professionnel) de préciser par écrit les résultats du traitement thérapeutique en cours auprès du médecin de la DDASS

Dans le second cas, c'est le médecin de tutelle qui procède directement à l'évaluation des résultats des entretiens qu'il aura régulièrement avec le client (cure non indiquée, cure nécessaire, déroulement de la cure) et qui répond au parquet (il donne des indications précises sur le résultat de la cure). Le parquet s'engage à poursuivre les usagers de drogues (stupéfiants) si ces derniers ne se conforment pas à l'injonction de soin qui leur a été faite (en application de la loi de 1970).

La cure de sevrage devient parfois un enjeu judiciaire. Si le toxicomane fait ce qui lui a été demandé expressément et démontre sa bonne foi en faisant l'effort de se soigner, il évite d'être renvoyé devant la Justice. Dans le cas contraire, le médecin de contrôle mettra fin à l'injonction considérant qu'il n'a pas su profiter de la chance qui lui a été offerte (se traiter).

Une confusion peut s'installer dans l'esprit des toxicomanes face à la collusion de ces deux rôles " thérapeute " et " censeur " confondus en une seule personne. En effet, une relation de confiance ne peut s'établir dans ces conditions entre le médecin et le client à moins que l'injonction thérapeutique soit prise en considération par le toxicomane et considérée réellement comme une occasion de faire une démarche de soin authentique. La relation installée sur les bases que nous venons de décrire est fragile. Notons que, le plus souvent, la prise en charge thérapeutique est négociée après coup, avec une équipe et que l'injonction tient compte de la distinction entre usagers récréatifs et toxicomanes qui nécessitent une cure de désintoxication.

Nous avons présenté trois types d'intervention. Cette représentation fait apparaître les différentes modalités de prise en charge (on note l'importance des modes d'entrée et de sortie de ces circuits). L'objectif formulé est l'arrêt de la drogue et la réinsertion.

Les moyens employés sont :

  • réprimer en s'appuyant sur l'effet dissuasif de la peine
  • soigner avec la notion de cure et de postcure
  • enfin, à la lumière de l'échec relatif des deux propositions précédentes, envisager des lieux intermédiaires spécialisés, autre modalité institutionnelle avec un objectif commun au minimum (l'arrêt de la drogue) et des approches différentes.

Il faut préciser que le terme de " trajectoire " a été envisagé sous un angle administratif qu'aucun thérapeute ne doit ignorer. La pratique clinique nous a permis de constater que toute l'énergie du toxicomane est consacrée à la drogue, son seul champ d'investissement. Cette polarisation s'accompagne d'un sentiment de toute-puissance qui ne lui permet pas de percevoir cette " trajectoire ". La seule alternative possible réside dans l'interruption ou la poursuite de la toxicomanie. Le sevrage imposé par la prison ou souhaité par l'institution sanitaire s'accompagne de privation de liberté. Bien souvent, la liberté est l'occasion de rechute.

Quelques commentaires concernant la loi

La loi de 1970 a été votée en période de troubles succédant aux événements de mai 1968. Elle s'applique aux personnes qui utilisent des stupéfiants ou des drogues illicites (quelle que soit la drogue consommée) ainsi qu'aux personnes qui en font le commerce. La loi est faite pour punir le délinquant, et signifier la limite à ne pas dépasser, en pointant un comportement considéré comme dangereux.

La volonté du législateur est :

  • de sanctionner l'usage et la vente de drogues illicites
  • de donner la chance de se " soigner " aux toxicomanes qui ont vraiment besoin d'une cure de sevrage.

Les motivations qui poussent les jeunes à adopter une telle conduite ne sont pas vraiment prises en considération, pas plus que la crise existentielle qui est ainsi exprimée collectivement par une partie de la jeunesse. La société cherche surtout à agir sur les manifestations visibles du problème social posé par l'usage de drogue chez les adolescents.

Cette juridiction s'adresse à une population spécifique et propose des mesures particulières. Lorsqu'un toxicomane est appréhendé, il est présenté devant le procureur de la République (juridiction debout). En fonction des éléments dont il dispose, le procureur décide de déclencher ou non la poursuite judiciaire selon la gravité de l'affaire. Lorsque la personne entre dans la trajectoire judiciaire, elle est alors confrontée avec le juge d'instruction saisi par le procureur. La mission du juge d'instruction est d'instruire à charge et à décharge et de présenter les preuves du délit.

En cas d'interpellation en flagrant délit, plusieurs cas de figures peuvent se présenter :

  • l'affaire peut être classée;
  • la personne prise en flagrant délit d'usage est déférée immédiatement avec mandat de dépôt (comparution immédiate devant le tribunal), mais entre dans la trajectoire sanitaire et sociale (injonction thérapeutique);
  • la personne prise en flagrant délit de trafic (déférée immédiatement avec renvoi de l'affaire);
  • la personne est placée sous contrôle judiciaire.

Le jugement a lieu en correctionnelle (juridiction assise). Les peines encourues pour les infractions commises (code pénal) ne peuvent pas excéder cinq années. En cas de récidive, les inculpés encourent des peines pouvant aller jusqu'à vingt années de prison (une liasse de sept pages est remplie par la police après toute interpellation. Les peines sont portées au casier judiciaire).

La loi du 17 janvier 1986

Depuis 1986 (17 janvier), des dispositions nouvelles ont été prises pour traduire les usagers revendeurs devant le tribunal en comparution immédiate. Une enquête personnalisée peut être demandée par le tribunal (service des enquêtes rapides).

Le texte dit ceci :

" Seront punis d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 5 000 F à 500 000 F, ou de l'une des deux peines seulement, les personnes qui auront cédé, vendu ou offert des stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle. "

De nombreux soignants ont exposé des critiques concernant cette loi, car les petits dealers sont assimilés aux délinquants et traités comme tels; or nous savons que la plupart des toxicomanes sont amenés à revendre de la drogue pour continuer à " se fournir " et ne pas être en manque ... La comparution immédiate rend l'organisation de la défense particulièrement difficile.

Les nouvelles dispositions du ministère de la Justice depuis 1986

Créée en 1986, la Mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie (MILDT) relève désormais du ministère de la Justice. Des mesures concrètes ont été adoptées :

  • lourdes peines 25 à 40 ans pour les gros trafiquants;
  • politique d'information, de prévention, mais aussi opérations " coups de poing " aux abords des lycées et universités contre les revendeurs passibles de cinq années d'emprisonnement;
  • accroissement de la reconduite à la frontière pour les étrangers interpellés pour trafic;
  • sevrage des drogués dans des établissements spécialisés.

Notons que, dans le même temps, le ministère du Travail supprimait les subventions qui faisaient vivre les " structures intermédiaires ", une centaine de petites entreprises fondées pour les travailleurs sociaux dans des domaines extrêmement variés, et qui représentaient une chance de " remise au travail " et d'intégration sociale progressive pour les jeunes en difficulté et les toxicomanes.

 
 
 
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