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Implication de la Douane en matière de contrôle de la
toxicomanie |
La Douane joue en France, avec un tiers des constatations et 60
à 80% des quantités saisies, un rôle important
dans la lutte contre le trafic des stupéfiants. Elle dispose
pour ce faire de pouvoirs de contrôle étendus, issus
du Code des douanes, et liés au caractère fiscal de
l'infraction douanière. D'une façon générale,
le droit douanier tend à se judiciariser et à se rapprocher
du Code de procédure pénale (ex : retenue douanière/garde
à vue, visite domiciliaire/perquisition ...).
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Les pouvoirs d'investigation et de contrôle |
Ceux-ci sont étendus pour tenir compte du caractère
fugace de l'infraction douanière, qui ne peut être
le plus souvent constatée que lors du franchissement de territoire,
ou lors de la circulation sur le territoire.
Les principales dispositions sont reprises ci-après :
- Article 60 - Droit de visite des marchandises, des moyens
de transport et des personnes qui s'exerce sur l'ensemble du territoire.
Il permet de mettre en oeuvre des contrôles ciblés,
dans un contexte de libre circulation des marchandises.
- Article 60 bis - Possibilité de faire procéder
à des examens médicaux pour le dépistage
des drogues dissimulées dans l'organisme, sur les personnes
en provenance de l'étranger, après accord de celles-ci
ou ordonnance du président du tribunal de grande instance.
Ce mode de dissimulation est très fréquent tant
sur les vecteurs aériens (Asie, Amérique latine)
que ferroviaires (Pays-Bas).
- Article 64 - Droit de visite domiciliaire en flagrant
délit ou sur ordonnance du président du TGI, avec
présence d'un OPJ, pour la recherche de délits douaniers.
- Article 67 bis - Possibilité de procéder,
après accord du parquet à des livraisons surveillées.
- Articles 215 et 215 bis - Obligation de justificatif
de détention de produits stupéfiants et autres produits
prohibés.
- Article 44 bis - Contrôle des navires dans les
24 milles des côtes françaises complété
par la loi du 29 avril 1996 qui autorise, sous certaines conditions
l'intervention sur les navires se trouvant en haute mer.
- Article 323 - Organisation du régime de la retenue
douanière qui se rapproche de la garde à vue policière.
Sous le contrôle du procureur, elle ne peut excéder
24 heures (renouvelable une fois) et s'impute sur le délai
de garde à vue.
La force probante du procès-verbal de douane (valable jusqu'à
inscription de faux) est supérieure à celle du procès-verbal
de police. Il permet de donner une base solide au début de
la procédure policière (valable jusqu'à preuve
du contraire).
Enfin, le projet de loi sur la douane judiciaire, prochainement
en discussion, prévoit, en matière de lutte contre
la drogue, la possibilité d'organiser, sous l'autorité
judiciaire, des équipes mixtes de policiers et de douaniers.
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Incriminations et sanctions spécifiques |
Les principaux délits douaniers liés au trafic de
stupéfiants sont la contrebande (art. 414 et suivants) et
les délits assimilés (art. 215/215 bis). L'intéressement
à la fraude (art. 319) permet d'assimiler aux auteurs principaux
tous ceux qui ont concouru à l'entreprise de fraude.
Le but du Code des douanes étant de réprimer des
infractions par nature économiques, les sanctions qu'il inflige
aux contrebandiers et importateurs de marchandises sont principalement
pécuniaires. Elles sont par ailleurs réprimées
de 3 ans d'emprisonnement maximum ce qui permet à certains
parquets de renvoyer devant le tribunal des trafiquants en comparution
immédiate.
- Article 435 - Confiscation des marchandises de fraude,
des moyens de transport et des objets ayant servi à masquer
la fraude.
- Article 414 - Emprisonnement maximum de trois ans, amende
égale à une à deux fois la valeur des marchandises
de fraude, estimée à partir des prix de détail
sur le marché clandestin.
- Article 415 - Les opérations financières
entre la France et l'étranger portant sciemment sur des
sommes provenant, directement ou indirectement, d'une infraction
à la législation sur les stupéfiants sont
punies d'une peine de prison de 2 à 10 ans, de la confiscation
des sommes et d'une amende égale à jusqu'à
5 fois les sommes en cause.
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La procédure douanière |
Avant la constatation de l'infraction, la recherche du renseignement
d'une façon proche de l'enquête préliminaire
de police.
La constatation opérée, les douaniers, travaillant
en flagrant délit, disposent de 24 heures (48 heures avec
l'accord du parquet) pour terminer leur procédure. Ce délai
très bref est utilisé pour recueillir un maximum de
preuves et de garanties de recouvrement des amendes à venir
(saisies de véhicules). A noter que durant la retenue douanière,
les appels téléphoniques ou le recours à un
avocat sont exclus, ce qui est particulièrement utile pour
assurer le secret de l'interception en cas de trafic organisé.
Au terme de la retenue, le service douanier est systématiquement
dessaisi au profit d'une service de police ou plus rarement de gendarmerie.
Le projet de loi "douane judiciaire", qui a été
approuvé en interministériel, devrait permettre d'associer,
en équipes mixtes sous le contrôle d'un magistrat,
des policiers et des douaniers. Ces derniers pourraient ainsi continuer
leurs investigations sur la base du Code de procédure pénale
en apportant au magistrat instructeur et aux policiers leur connaissance
des trafics internationaux.
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Avantages et questions posées par les sanctions douanières |
Une réponse rapide et adaptée aux différents
trafics.
Droit pénal spécial de nature économique,
le Code des douanes permet de lutter efficacement contre les trafics
:
- en renforçant les sanctions de droit commun par de lourdes
amendes et des peines accessoires (saisies de véhicules);
- en permettant la prise, dès la constatation, de mesures
conservatoires garantissant les intérêts du Trésor
(retenues pour sûreté des pénalités);
- en faisant assurer le recouvrement des sommes dues au Trésor
par la douane, ce qui assure le caractère effectif des
amendes prononcées;
- en appliquant la contrainte par corps, qui permet le maintien
en détention des trafiquants prétendus insolvables;
- enfin en assurant, par le biais de la transaction, une réponse
rapide.
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Une sévérité parfois contestée |
La principale critique concerne l'application cumulée de
sanctions pénales et douanières qui revient à
infliger une double peine, contraire au principe "non bis idem"..
La direction générale des Douanes et Impôts
indirects (DGDDI) estime elle que les deux infractions fiscales
et de droit commun sont distinctes et doivent être sanctionnées
séparément. Seul l'arrêt Jambon a, à
ce jour, infirmé cette position (CA Chambéry). Un
arrêt de la Cour de justice européenne est parfois
cité (Ferrero) à l'appui de cette thèse. Il
vise toutefois la proportionnalité des sanctions en matière
de TVA.
La contrainte par corps est également contestée,
en particulier quand le passeur est insolvable. La dernière
décision jurisprudentielle (Crim. Cass. 26 octobre 1995,
Barajas) estime que le droit commun (dispense de peine) s'applique
parallèlement au droit douanier (contrainte). La Cour européenne
des droits de l'homme reconnaît à la contrainte un
caractère de peine (JAMIL, 08 juin 1995), mais seulement
au regard de la non rétroactivité de la loi pénale.
En pratique, la contrainte par corps, qui n'est pas spécifique
au trafic de stupéfiants mais vise toutes les infractions
fiscales, est assez peu appliquée. Sa pertinence n'est pas
contestée pour les trafiquants, chez qui elle provoque souvent
un paiement, au moins partiel, des amendes dues au Trésor.
En revanche, l'utilité sociale de son application à
de simples passeurs, par nature insolvables, est douteuse. Concrètement
des contacts plus étroits entre les services contentieux
des douanes et les juges d'application des peines devraient contribuer
à aplanir ces difficultés.
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