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La politique française en matière de drogue : la loi du 31 décembre 1970

Si dans le domaine de la drogue et de la toxicomanie, la rupture essentielle date de la fin des années soixante, les politiques menées antérieurement ne furent ni modérées, ni traditionnellement non interventionnistes en matière de consommation, et ce, malgré le fait que jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale, la consommation de drogue est l'apanage de catégories de population bien identifiées et ne constitue nullement un phénomène de masse à la différence de l'alcoolisme.

Dès le 11 octobre 1908, le décret portant règlement d'administration publique pour "la vente, l'achat et l'emploi d'opium ou de ses extraits" constitue le premier véritable acte interventionniste du régime républicain. Destiné à compléter et à préciser les différents textes d'application de la loi du 19 juillet 1845 relative au commerce des substances vénéneuses, il permet de poursuivre les individus soupçonnés de détention ou de préparation d'opiacés, de réprimer le fait d'en favoriser l'usage et la détention prohibée. Mais trop imprécis, ce texte n'apporta pas les résultats espérés.

De fait, alors que la France devient l'un des principaux pôles du commerce international en stupéfiants, le Parlement français adopte en 1916 à l'unanimité la grande loi sur les stupéfiants réprimant "l'importation, le commerce, la détention et l'usage de substances vénéneuses, et notamment la morphine, l'opium et la cocaïne".

La loi du 13 juillet 1922 et le décret-loi du 29 juillet 1939 relatif à la famille, vinrent renforcer l'arsenal législatif et réglementaire faisant de la législation française anti-drogue, une des plus draconiennes d'Europe.

Sous la pression du monde médical, la loi du 24 décembre 1953 va intégrer pour la première fois un volet sanitaire dans la législation anti-drogue, en considérant l'usager de drogue comme un malade et le trafiquant comme un délinquant professionnel qu'il faut réprimer extrêmement sévèrement. Un nouveau tournant sera pris en 1970 par le vote de la loi du 31 décembre qui constitue le socle de la politique française en matière de drogue.

La loi de 1970 : l'usager entre répression et soins

La politique française en matière de drogue repose sur la loi n° 070-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et la répression du trafic et de l'usage illicite de substances vénéneuses (JO du 03 janvier 1971).

Cette loi poursuit un double objectif : d'une part, la répression de l'usage et du trafic de drogues et d'autre part, l'offre d'une série de soins. Ce dernier aspect ressort de l'insertion de la loi au Code de la Santé publique.

Cette loi incrimine, pour la première fois en France, l'usage simple de substances classées comme stupéfiants, sans distinction entre les drogues douces et dures, ni même entre l'usage en privé et en public, ou encore l'usage régulier et occasionnel. L'entrée en vigueur de cette loi s'est accompagnée d'une reformulation de la politique en vigueur à l'époque, puisque le dernier texte prohibitif visant l'usage datait de 1916 et réprimait l'usage en société, et non l'usage individuel.

Genèse de la loi : contexte et conditions de vote

Jusqu'à la fin des années soixante, le problème de la drogue n'est pas perçu en France comme un problème de toxicomanie ou de santé publique, mais uniquement sous l'angle du trafic international. Mais c'est à cette période que de nouvelles tendances se dessinent quant à l'usage de drogues.

On ne peut ignorer l'influence des mouvements de mai 1968, mouvement de contestation culturelle érigée contre l'ordre établi; l'usage de la drogue a été plus ou moins replacé dans le même contexte. Ainsi, le Rapport Henrion note que "votée dans une période très marquée par les mouvements étudiants dont certaines drogues avaient été l'emblème, surtout aux États-Unis, la loi du 31 décembre 1970 était, dans l'esprit du législateur, une pièce maîtresse dans l'effort d'endiguement qu'appelait une vague de contestation portée par ce que certains ont appelé "la dissolution" des moeurs".

Parallèlement, la France découvre qu'elle a servi de plaque tournante dans de vastes opérations de trafic (époque de la French Connection). Tout cela contribue à ce qu'à cette époque, l'usage de drogues soit perçu comme "un danger social". Les conditions de vote de la loi de 1970, les débats qui l'ont précédé et le partage des opinions sur le sujet, ont été largement étudiés, et il en ressort que le texte de loi final est le fruit d'un compromis entre deux ministères :

  • le ministère de la justice était favorable à la répression de l'usage, en grande partie pour des raisons de technique judiciaire, les pratiques montrant que les usagers étaient de ce fait déférés à la justice sous la qualification de détention de stupéfiants;
  • le ministère de la Santé demandait une surveillance sanitaire obligatoire.

Or le texte adopté finalement, en laissant l'obligation de soins à l'appréciation du magistrat, ne poursuivra pas cet objectif de santé publique, et de fait, un très petit nombre des usagers seront signalés à l'autorité sanitaire. A partir de 1985, la drogue devenant un véritable enjeu international, la loi subira plusieurs modifications législatives visant toutes à améliorer la répression contre le trafic de stupéfiants.

Les dispositions de la loi du 31 décembre 1970

cette loi du 31 décembre 1970 présente trois caractéristiques :

  • elle ne comporte pas de disposition spécifique en matière de prévention, pour laquelle tout un chacun, de l'État au simple citoyen peut faire oeuvre de prévention. De ce flou, naîtra une politique de prévention hétérogène, éclatée et sans cohérence;
  • elle prévoit la gratuité et l'anonymat des soins dans le cadre d'une prise en charge sanitaire et sociale conventionnée par l'État
  • elle réprime toutes les infractions à la législation des stupéfiants, de la simple consommation à la production, sans distinction entre les produits.

Au sommet du vote de la loi, la discussion a essentiellement porté sur les mesures relatives à l'usage; le vote des mesures concernant le trafic n'a pas posé de problèmes majeurs. Elles ont en revanche été complétées à plusieurs reprises à partir de 1985.

La répression de l'usage : un délit pénal dominé par les soins

Le délit d'usage

Par l'article L. 628 du Code de la Santé publique définissant l'usage illicite de stupéfiants comme un délit réprimé d'un an d'emprisonnement et/ou d'une amende de 50 à 250 000 francs, la loi du 31 décembre 1970 apparaît fondamentalement comme une loi pénale.

Pourtant, par l'article 355 qui dispose que "toute personne usant de produits classés comme stupéfiants est placée sous la surveillance de l'autorité sanitaire", le législateur pose une déclaration de principe sur la médicalisation de l'usage de stupéfiant.

Ces deux textes illustrent parfaitement l'ambiguïté de la loi de 1970 : celle-ci tente à concilier les logiques sanitaires et répressives, en considérant l'usager de drogues illicites, à la fois comme un malade qu'il convient de soigner et un délinquant qu'il y a lieu de punir. De cette législation - "le tout répressif ne serait pas la bonne réponse" - va naître une procédure spécifique : l'injonction thérapeutique complétée par la possibilité de soumettre l'usager de stupéfiant à une obligation de soins à tous les stades de la procédure.

NB : Le terme d'injonction thérapeutique n'apparaît pas dans la loi de 1970 dans laquelle il est signalé que le procureur de la République pourra enjoindre aux personnes ayant fait usage illicite de stupéfiants de subir une cure de désintoxication ou de le placer sous surveillance médicale. Le terme d'injonction thérapeutique apparaît dans la circulaire du garde des Sceaux du 17 septembre 1984. Cet intitulé est devenu d'usage habituel et désigne la cure ou la surveillance médicale de l'article L. 628.1 du Code de la Santé publique.

L'injonction thérapeutique

En cas de délit d'usage de stupéfiants, l'article 628.1 du Code de la Santé publique donne la possibilité au procureur de la République d'enjoindre l'usager de drogue à suivre un traitement médical, et en cas de respect du traitement de pouvoir déclarer l'action publique éteinte. Mesure contraignante et non préventive, il s'agit bien d'une alternative sanitaire aux poursuites pénales sous les formes d'une procédure mixte judiciaire et sanitaire.

Cette procédure qui avait pourtant le mérite de permettre un certain consensus et de pressentir l'évolution que connaîtrait notre droit pénal, a été mise en oeuvre avec scepticisme et méfiance par la plupart des intervenants judiciaires et médicaux.

En effet, l'autorité judiciaire voyait d'un très mauvais oeil son dessaisissement au profit de l'autorité sanitaire (en l'espèce la DDASS du département du lieu de domiciliation de l'usager) : c'est en effet cette dernière qui décide, après examen médical, si l'état de la personne nécessite une cure de désintoxication ou s'il convient de la placer sous simple surveillance médicale auprès d'un médecin ou d'un dispensaire d'hygiène sociale. C'est également elle qui avise le parquet du respect du traitement.

Par ailleurs, le corps médical, convaincu qu'un traitement ne pouvait réussir que s'il recueillait l'adhésion du patient, n'entendait pas devenir un auxiliaire de la justice, voire "un collaborateur de la répression". Certains dénonçaient le fait que le toxicomane pouvait utiliser le soin sous contrôle judiciaire pour éviter la confrontation avec la loi, faisant ainsi du médecin son complice.

Les autres obligations de soins

A tout moment du processus pénal, les magistrats peuvent imposer à l'usager de stupéfiants une obligation de soins. Ainsi au cours de la procédure judiciaire, le juge d'instruction ou le juge des enfants peut soumettre l'usager de drogue à une surveillance médicale dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Dans ce cas, les poursuites pénales sont engagées et le fait que l'usager se soit soumis à cette obligation ne pourra avoir de conséquences que sur le quantum de la peine, par exemple en le réduisant, voire en le dispensant de peine.

De même, lors du prononcé du jugement, le tribunal peut imposer une mesure de soins, soit parce que l'usager l'a refusée auparavant, soit, au contraire, pour la prolonger si elle a démarré en cours d'instruction. Enfin, lors de l'exécution de la peine, le juge d'application des peines peut ordonner des mesures particulières, dont l'obligation de soins lors de l'octroi d'une libération conditionnelle (art. 729 du Code de procédure pénale).

Répression du trafic : à la recherche d'une plus grande efficacité

Les dispositions de la loi du 31 décembre 1970 relative au trafic

Dans l'esprit du législateur, il s'agit de s'attaquer au trafic sous toutes ses formes et de frapper fort par le biais de procédures et de peines exceptionnellement sévères au regard du droit commun. Ainsi, concernant les procédures, la loi prévoit un délai de garde à vue au maximum de 48 heures pouvant être doublé pour tout individu soupçonné de trafic (art. L. 627 du Code de procédure pénale).

Les visites, perquisitions, saisies peuvent être effectuées de jour et de nuit dans tous les locaux qui sont susceptibles d'être transformés en entrepôts de produits stupéfiants (art. L.628.8 du Code de procédure pénale). Les peines prévues dépassent dans leur ensemble le maximum légal habituellement prévu (5 ans) pour la répression des délits. Les modifications législatives ultérieures complétant la loi de 1970 vont toutes aller dans le sens d'une aggravation de la répression, soit en facilitant les poursuites de certaines infractions, soit en élargissant les incriminations, soit en renforçant les incriminations applicables.

Les principales modifications législatives : nouvelles incriminations et aggravation des peines

La loi du 17 janvier 1986 vise les petits trafiquants ou les usagers qui se transforment en revendeurs pour assurer leur propre consommation. Cette loi prévoit donc une incrimination spécifique pour les petits revendeurs que l'on nomme souvent les usagers revendeurs, l'idée étant de lutter plus efficacement contre le deal de rue.

Au terme de l'article L. 627.2 du Code de la Santé publique : "seront punis d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 5 000 à 500 000 francs ou de l'une ou l'autre de ces deux peines seulement, ceux qui auront cédé ou offert des stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle".

Cette nouvelle incrimination permet en outre de pouvoir juger en comparution immédiate les fournisseurs interpellés en flagrant délit. Les dispositions de la loi n° 87-1157 du 31 décembre 1987 relative à la lutte contre le trafic de stupéfiants sont de plusieurs ordres.

Elle met à la disposition des enquêteurs et des tribunaux un certain nombre de moyens nouveaux :

  • possibilité pour les douaniers, avec le consentement express de l'intéressé, ou à défaut, sur autorisation du président du tribunal de grande instance, de recourir à des examens médicaux pour mettre en évidence le transport de drogues par dissimulation dans l'organisme,
  • possibilité de procéder à la saisie conservatoire avant jugement des biens du trafiquant inculpé pour éviter qu'il ne les dissipe avant sa condamnation.

La loi du 31 décembre 1987 a également prévu l'exemption ou la réduction de peine pour ceux qui révèlent une infraction de trafic avant sa réalisation ou permettent l'identification de leurs complices avant ou après l'engagement des poursuites.
Ce texte est largement inspiré de celui concernant "les repentis" dans le cadre de la loi adoptée en matière de lutte contre le terrorisme.

Cette loi incrimine le blanchiment de l'argent tiré du trafic de drogues en créant des délits de facilitation de la justification mensongère de l'origine des ressources et des biens de l'auteur d'un trafic et de concours à des opérations de placement, dissimulation ou conversion du produit du trafic.

On relève également des aggravations de la répression pour les faits de cession pour usage à des mineurs, cession pour usage dans des centres d'enseignement, dans des centres d'éducation ou dans des locaux de l'administration (peine de 2 à 10 ans d'emprisonnement). Il s'agit de protéger une clientèle particulièrement vulnérable.

Signalons également que la loi du 19 décembre 1991 permet d'organiser les opérations de livraisons surveillées. Ce texte est intégré dans la loi du 16 décembre 1992 (art 706-32).

Depuis le 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, toutes les dispositions, excepté celles relatives à l'usage des stupéfiants, sont transférées dans le Code pénal. Simultanément, les peines correspondant à ces délits ont été considérablement alourdies. A cette occasion, ont été également criminalisées les infractions concernant les grands trafics organisés.

Ainsi le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition, l'emploi et désormais l'importation et l'exportation de stupéfiants sont punis de 10 ans d'emprisonnement et de 50 000 000 francs d'amende.

On peut alors souligner l'alignement de la procédure relative au trafic de stupéfiants en bande organisée sur celle relative au terrorisme. En outre, le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants est réprimé par la réclusion criminelle a perpétuité et 50 000 000 francs d'amende. Par ailleurs, par une loi votée le 13 mai 1996, deux nouvelles infractions ont vu le jour en matière de trafic de stupéfiants et s'ajoutent à celles déjà citées précédemment. Ainsi, le fait de provoquer un mineur au trafic de stupéfiants est puni de 7 à 10 ans d'emprisonnement selon l'âge du mineur.

De même, le fait de ne pouvoir justifier de ses ressources, tout en étant en relation habituelle avec un trafiquant ou un usager de stupéfiant, est puni de 5 à 10 ans d'emprisonnement selon que l'usager ou le trafiquant est mineur ("proxénétisme stups"). Ces deux textes avaient pour objectif d'activer la répression contre l'économie souterraine. Cependant, à ce jour, ils ne semblent pas avoir donné les résultats espérés. Enfin, les associations de lutte contre la drogue et la toxicomanie, régulièrement déclarées depuis cinq ans, peuvent se constituer partie civile dans les affaires réprimant le trafic de stupéfiants.

Conclusion

Ce bref aperçu de la loi de 1970 démontre que, contrairement à une idée reçue, cette dernière a été complétée à de nombreuses reprises, mais toujours dans le sens d'une amélioration de la lutte contre le trafic. En revanche, concernant les usagers, ce texte n'a jamais été remanié, ce qui lui doit de sévères critiques au regard de l'évolution du phénomène de la toxicomanie.

Il en résulte une mise en oeuvre chaotique, hétérogène, et finalement, compte-tenu des multiples hésitations des gouvernements, abandonnée à la libre appréciation des acteurs répressifs.


En collaboration avec l'IHESI (Institut des Hautes Études de la Sécurité Intérieure)
 
 
 
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