Au delà de l'abus de médicaments dans leur usage
normal, c'est à dire pour vaincre un problème psychique
qu'ils sont censés soigner, les médicaments psychoactif
sont parfois détournés pour un usage festif
ou un usage toxicomaniaque pour lequel ils ne sont naturellement
pas conçus.
Les médicaments psychotropes susceptibles d’être détournés de leur
usage sont nombreux. Des noms commerciaux sont fréquemment cités
tels le Tranxène® (clorazépate dipotassique), le Stilnox® (zolpidem),
l’Imovane® (zopiclone), le Rivotril® (clonazépam), l’Artane® (trihexyphénidyle),
le Rohypnol® (flunitrazépam), le Valium® (diazépam). Il s’agit le
plus souvent de produits de la famille des benzodiazépines. Nous
citerons également les médicaments contenant un opiacé,
la codéine : Dicodin®, Codenfan®, Codoliprane®
ou Néo-Codion®, et ceux contenant un dérivé
d'amphétamine, le méthylphénidate : Ritaline®
et Concerta®.
Quatre médicaments pour lesquels des informations pertinentes
ont pû être recueillies seront traités ici, trois benzodiazépines
: le Rohypnol®, le Valium® et le Rivotril® et l’Artane®, un
antiparkinsonien. Nous parlerons également de la codéine
et du méthylphénidate.
Le
Rohypnol®
Le Rohypnol® (un hypnotique) est un médicament consommé hors cadre
médical par des usagers de drogues en grande difficulté sociale,
très marginalisés (squatters, prostitués, SDF, errants). Le Rohypnol®
est recherché d’une part pour ses effets désinhibiteurs et d’invincibilité
et d’autre part comme produit associé à la consommation des opiacés
(buprénorphine, héroïne) et/ou de l’alcool.
La prise répétée de Rohypnol®, généralement
en association avec de l’alcool, prodigue une levée
des inhibitions, un sentiment de confiance en soi permettant à
l’usager de commettre des actes délictueux (vols à
la tire, mendicité).
Plus rarement, le Rohypnol® est utilisé pour gérer
des descentes de cocaïne et de crack.
Le mode d’administration principal observé pour le Rohypnol® est
la consommation par voie orale, 94 % des utilisateurs y ont recours.
Les conséquences de l’abus de ce médicament
sont les pertes de mémoire voire l’amnésie,
les crises d’épilepsie et les troubles de l’élocution.
Si le Rohypnol® apparaît comme un produit très disponible, les
mesures, plus restrictives, de sa prescription et de sa délivrance
– entrées en vigueur en février 2001 – ont modifié la disponibilité
de ce psychotrope.
Globalement, il a été constaté une baisse des
chiffres de vente en pharmacie de 75 % entre 2000 et 2001 et de
35 % entre 2001 et 2002.
Mais en 2003, on constate une présence persistante de ce
médicament sur le marché parallèle, 30% des
usagers récents de Rohypnol® ne l’obtiennent que par
le marché noir.
Le Rohypnol® arrive en première position des médicaments
faisant l’objet d’une falsification d’ordonnance.
Le
Valium®
Le Valium® (un anxiolytique) est consommé pour des raisons similaires
au Rohypnol®.
Il est utilisé par certains pour “booster” les
effets des opiacés. Son usage permet également d’atténuer
certains problèmes psychologiques comme les angoisses.
Utilisé en grande quantité, le Valium® a un effet
de “défonce”. Il n’est pratiquement jamais
utilisé seul et est souvent associé à l’alcool,
éventuellement aux opiacés, pour en potentialiser
les effets.
Le Valium® est principalement consommé par voie orale,
mais il est parfois injecté, particulièrement dans
les milieux très marginaux, bien qu’il provoque des
sensations de brûlures extrêmes qui se révèlent
parfois sous la forme de cloques sous la peau.
Si le Rohypnol® apparaît comme un produit très disponible..., il
n’en va pas de même pour le Valium®, dont la disponibilité est beaucoup
plus variable. Au marché noir, il se négocie entre
1 € et 2 € le comprimé.
Le
Rivotril®
Compte tenu du développement récent et du caractère
restreint du mésusage de Rivotril®, les données
disponibles restent fragmentaires. Il apparaît que la population
qui en fait un usage hors protocole médical est proche de
celle qui consommait du Rohypnol®.
Les effets recherchés sont :
- A petite dose le médicament semble prodiguer un effet
stimulant et lever les inhibitions.
- A forte dose, associé à l’alcool ou au cannabis,
le Rivotril® produit un effet "défonce".
- Gestion de la descente consécutive à la prise
de stimulants comme la cocaïne et le crack.
Le Rivotril® a comme effet de rendre “abrutis”
ceux qui en consomment, tout en pouvant donner lieu à des
manifestations de violence extrême. Par ailleurs le Rivotril®
a un effet moins puissant et moins rapide que le Rohypnol®,
ce qui expliquerait que certains utilisateurs, n’ayant pas
en temps voulu l’effet attendu, en prennent en quantité
massive, jusqu’à plusieurs plaquettes par jour.
Depuis 2001, il semble qu’un usage hors protocole médical
du Rivotril® se développe notamment du fait de la moindre
disponibilité du Rohypnol®. En 2003, ce développement
semble se confirmer, même si la disponibilité du Rivotril®
sur le marché parallèle est très diverse selon
les sites.
Sur le marché parallèle, le Rivotril® est négocié
au comprimé ou par plaquette de 10, une boîte contenant
40 comprimés.
À Paris, le prix de la plaquette se situerait dans une fourchette
comprise entre 1 € et 3 €.
L'Artane®
La consommation d’Artane®, est le fait d’une population
extrêmement marginalisée sur le plan social, et souffrant
de troubles psychiatriques.
Les effets recherchés sont l’euphorie, les délires hallucinatoires
et la désinhibition. L’Artane® est souvent associé à de l’alcool,
qui en potentialise les effets.
- A petite dose, l’Artane® prodigue une sensation d’invulnérabilité
et une confiance en soi qui permettent à l’usager
d’affronter le monde de la rue ;
- A plus forte dose, le médicament est pris pour ses effets
hallucinogènes, lesquels semblent extrêmement puissants.
Il est consommé alors pour "se défoncer".
Il est consommé principalement par voie orale. Dans de rares
cas il est injecté.
Les effets entraînés par de fortes doses sont : gesticulations
soudaines et incontrôlées, agressivité, remontées
imprévisibles, parfois plusieurs jours après la consommation.
L’Artane® est obtenu soit directement auprès des personnes auxquelles
ce médicament a été prescrit, soit auprès de petits trafiquants,
comme pour les autres médicaments.
En 2003, la disponibilité de l’Artane® sur le marché
parallèle serait restreinte et en forte baisse.
Les
médicaments à base de Codéine
La codéine est un dérivé semi synthétique
de la morphine utilisé comme analgésique, soit seul
(Dicodin®, Codenfan®) soit combiné à d’autres
molécules (Codoliprane®) ou comme antitussif (Néo-Codion®).
Elle est présentée sous forme de sirop ou de comprimés.
La possibilité de vente de certaines de ces spécialités
sans ordonnance et son prix modéré permettent un accès
aisé à cette molécule utilisée par certains
comme substitution à l’héroïne.
Lorsque la codéine est consommée, il semble que ce
soit par défaut à des fins de dépannage en
l’absence d’autres substances opiacées illégales.
Les
médicaments à base de Methylphénidate
Dérivé amphétaminique psychostimulant le méthylphénidate
est utilisé comme médicament, commercialisé
sous les noms de Ritaline® ou Concerta®, pour le traitement
des narcolepsies ou de l'hyperactivité chez l'enfant.
Le méthylphénidate présente de nombreux effets
secondaires et est classé comme stupéfiant, à
forte dose il peut conduire à la dépendance.
Très prescrit aux Etats-Unis et dans certains pays d'Europe,
il fait l'objet de nombreuses controverses, notamment dans son utilisation
comme "normalisateur comportemental" des enfants.
En France, sa prescription est sécurisée, la prescription
initiale devant être faite par un spécialiste en psychiatrie,
neurologie ou pédiatrie en milieu hospitalier et renouvelée
tous les ans, les prescriptions intermédiaires sont mensuelles
et peuvent être faites par un médecin libéral.
Dans les pays de forte consommation, il est parfois détourné
et utilisé en drogue récréative, comme la cocaïne,
par les écoliers et les adolescents qui le gobent, le sniffent
après l'avoir réduit en poudre ou se l'injectent.
Les étudiants l'utilisent également pour rester éveiller
et travailler.
Le méthylphénidate, comme la cocaïne ou les amphétamines,
augmente la production de dopamine et de noradrénaline, stimulant
le centre du plaisir. Les effets lors d'un usage non contrôlé
sont similaires à ceux de la cocaïne ou des amphétamines.
Absorbé à forte dose il peut engendrer des hallucinations,
de la paranoïa, de l'hypertension et une accéleration
du rythme cardiaque ainsi que des convulsions. |